L’achat public innovant, certes… mais encore ?

  • 27/09/2019
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Maître Folace : "Seulement, le tout-venant a été piraté par les mômes. Qu'est ce qu'on fait ? on se risque sur le bizarre ?..."
Monsieur Fernand : "Sans être franchement malhonnête, au premier abord, comme ça, il... a l'air assez curieux."

(Michel Audiart - Les tontons flingueurs)

Vraiment passionnant, cet  atelier de réflexion et de « mise en pratique », mardi 24 septembre lors d’Innovater, manifestation (organisée  par le groupe InfoproDigital) dédiée l’innovation territoriale. Une vingtaine d’acheteurs se prêtent sans façon au jeu : déceler en quoi une offre est «innovante».  Parce que, c’est bien beau de demander à la commande publique de favoriser l’innovation. Reste, sur le terrain et pour l’acheteur, à savoir ce qu’est une offre innovante…

Vous avez tous en tête l'expérimentation en cours : sortie de la hotte du père Noël le 24 décembre 2018, le décret n° 2018-1225 (dit, donc, «de Noël ») entend donner un cadre opérationnel et matériel pour développer les achats innovants,  jusqu'à 100.000 euros, sans mise en concurrence ni publicité préalable. Une seule exigence : « Lorsqu'ils font usage de cette faculté, les acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu'il existe une pluralité d'offres susceptibles de répondre au besoin ».
Pour la secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher, « l’achat public innovant, c’est un fort enjeu pour nous ; cela montre que l’achat public n’est pas qu’un process : il contribue à la qualité du service public et permet aussi d’installer des solutions qui n’auraient pas trouvé un business modèle classique ».
 

Un peu boudé... un peu redouté

A Bercy, on reconnaît que, pour l’instant, cela patine un peu : les acheteurs publics ne s’emparent pas encore du nouvel outil mis à leur disposition. Plusieurs explications : d'abord, la priorité c'est peut être de s’approprier le code de la commande publique, avant de se lancer dans l’expérimentation. Et puis l'expérimentation, cela demande du temps...  Et puis, sans que cela ne soit clairement dit : pourquoi prendre un risque ? pourquoi contracter avec une "start-up", qui risque de ne pas avoir, au final, les épaules suffisantes ? Et allons-y sans détour : passer un marché de 100 000 euros de gré à gré, cela àa de quoi inquièter le juriste. Alain Lambert ne cesse de fustiger cette Epée de Damoclès que constitue le pénal dans l'achat public (lire sa tribune "Lever les tabous : supprimer les dispositions pénales du droit de la commande publique"). 
D’où  la rédaction par la Direction des affaires juridiques de Bercy d’un guide  (à télécharger ICI), pour lever les doutes  (lire « Mettre en musique l’achat public innovant maintenant ! ». Avec une préconisation : recourir à la méthode du "faisceau d’indices" pour détecter le caractère innovant d''une offre.
Très bien ! Mais il réside encore ne serait-ce que dans le terme "indice" une part d'incertitude. L'acheteur public doit donc recouper les faits, enquêter, regrouper et comparer... Pas facile, et peut être au final compliqué, d'affirmer : "j'ai acquis la certitude, selon des indices concordants, que ça, c'est innovant." Il fallait donc aller plus loin. 
 

L'innovation sur la grille

Les acheteurs publics n'ont pas tardé à pousser la réflexion : "Innovation plurielle", "Innovation de rupture"... (lire "Mettre en place des achats innovants : conseils opérationnels et pratiques")... la notion reste "ouverte", voir subjective. Derrière "innovation", chacun peut rattacher d'autres concepts liés ou induits, et plus ou moins positifs : "Résolution de problème" ; "Stratégie de contournement" ; "Alternative" ; "Droit à l'erreur" ; "Créativité " ; "Liberté", "Création de valeur" ; "Droit à l'erreur"...
L’atelier du 24 septembre propose donc un exercice pratique, avec une grille de détection de l'innovation. Un modèle d’analyse d’une vingtaine d’entrées, à disposition des acheteurs, qui les pousse à se poser plusieurs questions : la solution proposée est-elle "nouvelle" ou représente-t-elle  une "amélioration sensible" ? Tout est question de nuances ! L’innovation est-elle nécessairement liée à la performance et, si oui, selon quel critère ou prisme (organisation, délais, RSE…) ? L’innovation reside-telle dans la maturité de la solution ? L’innovation s’apprécie-t-elle a travers les qualités et performances de l’entreprise ? L’innovation, est-ce lié à l’exclusivité ?  On est pas loin de la philosophie ! 

Alors, quel mot poser derrière la notion "innovation" ? Peut-être, tout simplement, "responsabilité"….
 
Jean-Marc Joannès