Pénalités de retard : les limites au pouvoir de modulation

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Le juge administratif peut, dans certaines conditions, moduler à la hausse ou à la baisse le montant des pénalités de retard. Mais jusqu’où peut aller cette modulation ? Pour Gilles Pellissier, rapporteur public, le magistrat doit, dans ce cas, prendre en compte le préjudice subi par la personne publique.

Dans sa décision, OPHLM de Puteaux (CE, 29 décembre 2008), le Conseil d’Etat a admis pour le juge la possibilité de « modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché. » Quelles sont les limites du juge dans l’exercice de son pouvoir de modulation ? Le Conseil d’Etat va devoir se pencher sur la question à l’occasion du pourvoi introduit par le Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (CHIPEA). En l’espèce, la cour administrative d’appel relève, dans son arrêt rendu le 15 juin 2015, que « le montant global du marché a été initialement fixé à 840 000 euros HT. » De plus, l’ensemble des pénalités de retard s’élèvent à 513 657,76 euros, soit 61,15% du prix initial du marché. Cette proportion étant excessive compte tenu des conditions dans lesquelles s’est déroulée l’exécution du marché, il y a lieu de ramener le montant de ces pénalités à 210 000 euros. La Cour a-t-elle commis une erreur de droit dans l’exercice de son pouvoir de modulation en ne s’assurant pas que le montant des pénalités est au moins égal au préjudice subi par le maître d’ouvrage ?

La prise en compte du préjudice de la personne publique

« En droit civil, le clauses pénales ont une double fonction. Elles visent à réparer un préjudice et à le prévenir du fait de son caractère forfaitaire », rappelle Gille Pellissier, rapporteur public, dans ses conclusions. Dans la jurisprudence judiciaire, le préjudice est un élément déterminant de la modulation des pénalités. En effet, le juge peut ainsi réduire à une montant symbolique une clause pénale en l’absence de préjudice.

le caractère disproportionné s’appréciera au regard du montant du marché

 « En droit administratif en revanche, la fonction dissuasive est plus importante. L’inexécution du contrat est la cause même du préjudice. Ainsi, le caractère disproportionné s’appréciera au regard du montant du marché et non du préjudice subi par la personne publique », indique Gilles Pellissier. Pour autant, la fonction réparatrice de la clause pénale n’est pas totalement absente. Le montant des pénalités ne doit pas être inférieur au préjudice subi. Elles ne doivent pas conduire à un appauvrissement de la personne publique. Ainsi, estime le rapporteur public, « le juge qui envisage de moduler le montant des pénalités de retard ne peut le faire sans avoir pris la mesure du préjudice subi. » En l’espèce, le juge n’a pas pris en compte le préjudice du maître d’ouvrage. Au regard de ces éléments, Gilles Pellissier invite la haute juridiction à annuler l’arrêt sur la modulation des pénalités de retard.