Le B.A.-BA de l'achat - La déclaration sans suite

Acheteurs issus du privé, nouveaux praticiens de l’achat, étudiants, ou acheteurs désireux de reprendre les fondamentaux de l’achat public... Le B.A BA de l’achat, c’est une série de fiches synthétiques conçues pour vous afin de faire le point sur des questions techniques de l’achat ou de (re)découvrir ensemble des notions courantes. Pour ce nouveau numéro, la rédaction se penche sur la déclaration sans suite.

La déclaration sans suite, c'est la décision de ne pas attribuer le marché. Dans le cadre des marchés publics, ce dispositif, prévu aux articles  R. 2185-1 (pour les marchés publics classiques) et R. 2385-1 (pour les marchés publics de défense ou de sécurité) du code de la commande publique, autorisent l’acheteur public, à tout moment de la procédure, à abandonner la procédure d’attribution d’un marché public en la déclarant sans suite.
 

Comment déclarer sans suite un marché public ?

La déclaration sans suite d'un marché public est une procédure particulière qui implique notamment le respect des délais, la publication d'un avis de non-attribution et l'information des opérateurs économiques concernés.
 

L’autorité compétente

Lorsqu'une délégation pour la préparation et la passation des marchés a été donnée, à titre permanent, par l'assemblée délibérante à l'exécutif la décision de mettre fin à la procédure appartient à ce dernier. Dans le cas contraire,  il incombe à l'assemblée de déclarer la procédure sans suite quand elle a, en amont, délibéré pour décider du lancement de la consultation ou, plus encore, pour autoriser la signature du marché dès avant l'engagement de la procédure.
 

Respecter le délai

La déclaration sans suite peut être prononcée à n'importe quel moment avant la signature du marché public. Elle peut également se manifester même après l'attribution du marché, car la décision d'attribuer le marché public ne confère pas à l'attributaire de droit à la signature du contrat. La seule obligation résulte en réalité du motif de cette déclaration sans suite.
 

Publier un avis de non-attribution

En cas de déclaration sans suite, l’acheteur public peut publier un avis de non-attribution, avant de relancer le marché. Ce document, qui n’est pas une obligation, s’appuie sur le même modèle qu’un avis d’attribution. En revanche, il est obligatoire pour l’acheteur de mentionner dans l'avis d'appel à la concurrence d'une éventuelle consultation ultérieure que cette nouvelle procédure a été engagée suite à la décision de ne pas conclure le marché public, pour des raisons précises qui ne sont pas liées à l'infructuosité de la procédure."
 

Informer les opérateurs économiques

L'acheteur public qui prend l'initiative de cette déclaration sans suite doit, dans les plus brefs délais, informer les opérateurs économiques ayant participé à la procédure qu'elle ne sera pas poursuivie, en précisant les raisons ayant motivé sa décision. La décision doit porter indication des délais et voies de recours, pour que le délai de forclusion puisse courir, sachant qu’il n’existe pas de formulaire type pour cette déclaration. 
 

Quels sont les motifs invocables ?

L’acheteur public peut déclarer sans suite un marché public en se fondant sur plusieurs motifs. L’acheteur  doit toujours motiver sa décision, faute de quoi, elle sera réputée dénuée de justification et, par suite, irrégulière. Mais attention : les raisons justifiant la décision doivent être formulées de manière claire et précise, sans laisser place à l'ambiguïté, et ne doivent pas refléter une erreur ou de réelles lacunes de l'administration. La déclaration de ne pas donner suite doit être en adéquation avec les motifs avancés.
 

Motif d’infructuosité

Si aucune offre n'a été soumise ou si seules des propositions inappropriées, irrégulières ou inacceptables ont été reçues, l'acheteur a la possibilité de mettre un terme à la procédure en la déclarant sans suite en raison de son caractère infructueux. À la suite d'un appel d'offres qui n'a pas abouti, plusieurs options s'offrent à lui :
  • Relancer un nouveau marché ;
  • Recourir à la procédure concurrentielle avec négociation ou au dialogue compétitif, si et seulement si seules des offres irrégulières ou inacceptables ont été présentées ;
  • Conclure un marché par voie négociée sans publicité ni mise en concurrence préalables, à condition que les conditions initiales du marché ne soient pas modifiées de manière substantielle (CE, 21 septembre 2011, Département des Hauts-de-Seine, n° 349149).
 

Motif d’intérêt général

Les motifs pouvant justifier l'interruption d'une procédure sont variés et peuvent être d'ordre économique, juridique ou technique, ou encore résulter d'un choix de gestion de la part de la personne publique. Il a notamment été jugé que constitue un motif d’intérêt général :
  • le fait que les travaux à exécuter « pouvaient être réalisés pour un coût nettement moins élevé sur des bases techniques nouvelles » (CE, 30 décembre 2009, Société Estradera, req. n°305287) ;
  • lorsque le coût estimé des travaux dépasse le budget alloué par la collectivité ;
  • la nécessité de redéfinir les besoins du pouvoir adjudicateur (CAA Bordeaux, 8 janvier 2003, req. n° 05BX01006) ;
  • des incertitudes affectant la consultation des entreprises. Dans un arrêt du Conseil d’Etat (CE, 13 janvier 1995, req. n° 68117), il a été constaté que des contradictions entre le règlement particulier de l'appel d'offres et le cahier des clauses techniques particulières justifiaient l'abandon de la procédure.
 

Quelles sont les conséquences d’une déclaration sans suite ?


La déclaration sans suite d’un marché public entraîne l'abandon de la consultation et la nécessité de lancer une nouvelle procédure, tout en respectant les motifs invoqués. En cas d'illégalité, la responsabilité de l'acheteur peut être engagée, permettant au candidat retenu de demander une indemnisation. De plus, la décision d'abandonner la procédure est soumise à un contrôle judiciaire restreint.
 

Le lancement d’une nouvelle procédure de passation

La déclaration sans suite pour motif d'intérêt général entraîne un abandon de la procédure. Toutefois, l'acheteur peut initier une nouvelle consultation. Il devra s'assurer que cette nouvelle procédure soit en adéquation avec la nature du motif invoqué et en tirer les conséquences appropriées. Par exemple, en cas d'insuffisance de crédits budgétaires, la nouvelle consultation ne doit pas être réalisée dans les mêmes conditions budgétaires.
 

L’indemnisation des candidats

D’autre part, en cas de manquement à l’obligation de fonder la déclaration sans suite sur un motif valable, la déclaration sans suite est qualifiée d’illégale, ce qui engage la responsabilité du pouvoir adjudicateur. En effet, lorsqu'une déclaration sans suite est conforme à la législation, elle ne donne pas droit à une indemnité pour le candidat retenu, qui n'a aucun droit à la conclusion du contrat. Dans ce cas, la responsabilité de l'administration ne peut pas être engagée. En revanche, si la déclaration sans suite est illégale, la personne publique commet une faute. Le candidat retenu peut alors réclamer une indemnisation pour le préjudice causé par cette illégalité.
 

Le contrôle du juge

La décision de mettre fin à une procédure est laissée à l'appréciation de l'acheteur, ce qui signifie qu'elle est soumise à un contrôle judiciaire restreint. Le juge n'intervient que pour des irrégularités manifestes, telle que l'absence de justification valable pour une telle décision.
À l'inverse, il peut annuler une procédure si l'acheteur n'a pas déclaré une procédure irrégulière sans suite, alors qu'il en avait connaissance. Il peut sanctionner le non-abandon d'une procédure si le motif donné révèle un détournement de procédure destiné à écarter un candidat. Par conséquent, l'acheteur doit s'assurer que l'option d'abandonner la procédure n'est pas utilisée de manière abusive.