MAPA et transparence

  • 01/04/2010
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Depuis la jurisprudence ANPE, les critères d'attribution d'un marché et les conditions de leur mise en œuvre doivent être rendus publics. Mais parfois cela ne suffit pas à rendre une procédure transparente. Comment alors s’y prendre et jusqu’où aller ? Un contentieux concernant la Corse examiné le 22 mars par le Conseil d’Etat apporte quelques éléments de réponse.

 
En juin 2009, la collectivité territoriale de Corse a lancé un marché de travaux routiers. Quelques mois plus tard, le juge des référés du TA de Bastia annulait la procédure pour manque de transparence dans les critères publiés. La collectivité n’aurait pas indiqué la méthode de chiffrage retenue pour la notation de la valeur technique de l’offre. Lors de l’audience du Conseil d’Etat du 22 mars, le rapporteur public, Nicolas Boulouis, a conclu à l’annulation de l’ordonnance et à la validation de la procédure. La méthode de chiffrage non publiée était… une simple règle de trois. L’information des candidats est nécessaire depuis la jurisprudence ANPE du 30 janvier 2009 (1). Mais alors que l’article 53 du CMP impose de pondérer ou de hiérarchiser les critères, les MAPA jouissent d’une certaine liberté, « sous condition de communiquer », a toutefois précisé Nicolas Boulouis. Et parfois, il est nécessaire « d’aller au-delà des mots » pour assurer la transparence d’une procédure. Afin d’étayer son propos, le rapporteur public a pris l’exemple du critère prix qui est un critère « susceptible de plusieurs acceptations ». Il peut caractériser tout simplement l’offre la moins disante, mais aussi correspondre à une estimation de la personne publique. Dans une jurisprudence de février 2009, la ville de Toulon avait par exemple retenu un critère prix fondé sur une méthode de calcul assez compliquée (2). En claire, dans certains cas, l’adjudicateur doit préciser ce qu’il entend par le critère publié car une simple mention peut ne pas suffire à bien informer les candidats. Cette communication est indispensable lorsque ces éléments ont « une influence sur la formation de l’offre », selon l’avis du rapporteur public.
Règle de trois
Partant du principe de la nécessaire information des candidats, le juge des référés a considéré dans le litige corse que la collectivité aurait dû publier les formules mathématiques utilisées pour le calcul des critères et des sous-critères. La collectivité avait retenu deux critères : le prix pondéré à 40% et la valeur technique à 60%. Cette dernière contenait deux sous-critères d’une valeur équivalente : un premier avait trait à l’organisation et le planning du chantier, le second portait sur les matériaux utilisés (provenance et quantité).  Le meilleur prix proposé obtenait la note de 20/20, le classement des suivants s’effectuait ensuite selon une règle de trois. Même méthode utilisée pour la valeur technique de l’offre. Une note était attribuée sur vingt pour chaque sous-critère avec une règle de trois pour le classement. « Il y a toujours une part de jugement dans la valeur technique d’une offre » a fait remarquer le rapporteur public du Conseil d’Etat. En outre, le magistrat ne voit pas « ce qu’il y a de plus simple qu’une règle de trois » comme formule mathématique. C’est pourquoi il a considéré que le juge des référés avait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier.
Articles 80 et 83

Le groupement d’entreprises (dont l’offre avait été classée troisième) reprochait aussi à la collectivité de ne pas avoir respecté à la lettre les articles 80 et 83 du CMP relatifs à la communication des motifs de rejet d’une offre. Un moyen vite écarté par le rapporteur public. Ces articles concernent les procédures formalisées (le CMP le précise très clairement dans son article 80. Concernant l’article 83, Nicolas Boulouis s’est référé au guide des bonnes pratiques publié par le Minefe). En cas de MAPA, cela ne décharge pas pour autant les pouvoirs adjudicateurs de toute communication dont les candidats ont « besoin pour le référé précontractuel » a indiqué le rapporteur public. Mais dans l’affaire, la collectivité avait bien envoyé une lettre et un exposé détaillé des motifs de rejet de l’offre. Cela suffisait. Les autres moyens soulevés ont eux aussi été écartés. Il était reproché des sous-critères trop imprécis, mais le « CCTP comportait de nombreuses précisions sur l’origine des matériaux » selon le magistrat, qui a aussi ajouté que les critères choisis étaient tout à fait « pertinents » pour un marché de travaux avant de valider la pondération utilisée. La haute juridiction se prononcera dans quelques semaines.

(1) CE 30 janvier 2009, ANPE, n°290236
Voir notre article : Tous les marchés soumis aux grands principes de la commande publique

(2) CE 4 février 2009, Commune de Toulon, n°311344
Voir notre article : Cahier des charges contraire à un arrêté ministériel

Bénédicte Rallu © achatpublic.info