[TCP 2023 : les Lauréats] Le Ministère de l'Education nationale innove pour ses enseignants malvoyants

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Afin d’assurer l’inclusion professionnelle des enseignants déficients visuels, le ministère de l’Éducation nationale a passé un marché innovant permettant de leur fournir la transcription d’ouvrages de leur choix, nécessaires à leur pratique professionnelle. Le titulaire, ApiDV, est une association reconnue d’utilité publique qui mène des actions et propose des services pour favoriser l’accès de personnes aveugles ou malvoyantes à la culture, aux études, à l’emploi, aux loisirs et à la technologie. Nous avons rencontré Bastien Boyer, référent ministériel achats responsables et Jean-Xavier Lichtlé, chef de la mission handicap inclusion professionnelle (MHIP).


« Comme on le sait, le ministère a aujourd’hui un défaut d’attractivité en termes de recrutement mais aussi de maintien du personne », explique Jean-Xavier Lichtlé, « il y a donc une recherche au niveau des politiques RH pour rendre attractif et faciliter le quotidien des enseignants ». C’est le point de départ de ce marché, récompensé à l'occasion de l'édition 2023 des Trophées de la commande pubique, dédié aux enseignants qui n’arrivaient pas à accéder aux supports nécessaires pour préparer leurs cours, c’est-à-dire les livres pédagogiques.
« On constatait que des stratégies de contournement étaient établies, et finalement que l’autonomie de ces personnels n’était pas assurée». En effet, les enseignants procuraient par eux-mêmes des documents transcrits incomplets, sans pagination ni note de bas de page, sans description des tableaux, schémas et diagrammes. Le ministère se devait donc d’adopter des mesures de compensation du handicap de ses personnels leur assurant l’accès à des ouvrages transcrits selon leurs besoins.
 

Un marché innovant co-construit avec le titulaire


« L’une des réponses possibles était la transcription des ouvrages dont ces enseignants ont besoin », indique le chef de la MHIP. Si la transcription de texte est un service assez courant, l’innovation incrémentale, en l’espèce, consiste en l’amélioration de la transcription de visuels (images, dessins, tableaux, schémas, diagrammes) et en la création d’une solution de transcription des formules mathématiques.

Les services du ministère ont donc effectué un travail de vérification du caractère innovant du projet, et ont constaté que la réponse à apporter pouvait être à caractère innovant 

Les services du ministère ont donc effectué un travail de vérification du caractère innovant du projet, et ont constaté que la réponse à apporter pouvait être à caractère innovant : « c’est là qu’on a traduit le projet en termes de marché public innovant ». Pour Bastien Boyer, l’innovation était assez aisément qualifiable et cela s’est fait « assez naturellement ». « On a quand même bien cadré les choses, car ce sont des procédures qu’on utilise peu, il y a donc toujours une petite appréhension. Au final, on est à plus de 70 % des critères de la DAJ remplis », précise-t-il.

Nos deux interlocuteurs racontent que ce marché est aussi « la rencontre entre différents besoins ». Le leur était en réalité « assez simple », selon leurs mots, mais un travail s’est fait avec l’association ApiDV, qui était déjà en relation avec le ministère, afin de le traduire. Ainsi, c’est à cette occasion que cette structure a pu, grâce au projet du ministère, développer l’application mathsDV dans un processus « industriel », alors qu’elle « n’avait pas au départ la maturité pour faire cela », affirme M. Lichtlé. « L’association a été professionnalisée, et cela lui permet aujourd’hui de développer ses activités. Elle a désormais les connaissances pour répondre à l’appel d’offre qui a été lancé ». Un bon exemple de marché co-construit avec le titulaire, concluent-ils donc.
 

Une relation de travail « à poursuivre »


Le ministère possède les labels RFAR et egalité/diversité. Ainsi, d’après Bastien Boyer, ce marché illustre bien « la valorisation des fournisseurs, et montre notre forte volonté d’utiliser nos achats au service de nos politiques publiques. Ici, le projet récompensé porte sur le handicap ; mais le ministère a d’autres idées, par exemple pour lutter contre le décrochage scolaire».
Jean-Xavier Lichtlé ajoute que ce marché a également permis d’utiliser des fonds du FIPHFP (Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique), dont une partie est consacrée à l’innovation, mais qui est peu utilisée. « Ici, nous avions un boulevard ! », s’exclame-t-il, « dans tout projet d’achat, il y a bien sûr le support, mais il ne faut pas oublier le financement. Il s’agissait donc d’une bonne opportunité ».

Depuis le lancement de ce projet, les enseignants bénéficiaires soulignent une amélioration considérable de leurs conditions d’exercice. La solution est désormais disponible sur le marché, et le résultat positif a conduit le ministère à pérenniser le besoin en lançant un appel d’offre. Pour nos interlocuteurs, cette relation de travail entre direction des achats et mission inclusion professionnelle  « a vocation à être poursuivie. Nous avons beaucoup de sujets d’inclusion et de handicap qui vont nécessiter une réflexion en termes d’achats », concluent-ils.