4 millions d'euros d'indemnisation pour SNCF mobilités, victime d’une entente

  • 20/02/2023
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Par une décision n° 2004/420/CE du 3 décembre 2003, la Commission européenne a infligé des amendes à différentes sociétés pour avoir participé à une infraction unique et continue aux stipulations de l'article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne, d'octobre 1988 à décembre 1999, consistant, dans le secteur des produits à base de carbone pour applications mécaniques et électriques, à fixer de façon directe ou indirecte les prix de vente et d'autres conditions de transaction applicables aux clients, à répartir les marchés, notamment par l'attribution de clients, et à mener des actions coordonnées de restrictions quantitatives, hausses des prix et boycottages à l'encontre des concurrents qui n'étaient pas membres du cartel.
SNCF Mobilités demande au juge administratif de condamner solidairement ces sociétés à réparer le préjudice résultant du surcoût qu'elle a supporté sur ses achats, imputable à ces pratiques anticoncurrentielles.

Sur renvoi du Conseil d’Etat (CE 12 octobre 2020, req. n° 432811 - relire "Entente entre opérateurs : le prix à payer") la CAA de Paris se prononce sur la méthode d’évaluation du préjudice.. et son montant

Sur la durée de l’infraction, la CAA se réfère à la décision de la Commission européenne. Elle a découvert des indices révélant que le cartel reconstitué après la Seconde Guerre mondiale fonctionnait dès l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1958, des règles de concurrence de la Communauté économique européenne. Mais elle a limité la procédure d'infraction à la période comprise entre octobre 1988 et décembre 1999, au cours de laquelle elle a recueilli de très nombreux éléments de preuve concernant une série ininterrompue de réunions régulières et d'autres types de contacts. La SNCF est donc fondée à demander la condamnation solidaire des entreprises et de leurs filiales pour la période comprise entre octobre 1988 et décembre 1999.

Sur l’évaluation du préjudice, la CAA de Paris rappelle que la réparation consiste à placer la partie lésée dans la situation où elle se serait trouvée si l'infraction ne s'était pas produite.

L'estimation des taux de surprix repose dès lors sur la comparaison des prix effectivement payés par la victime et des prix dits « contrefactuels » qu'elle aurait payés en l'absence de cartel. En l'espèce, le préjudice subi par la SNCF résulte donc de la différence entre le prix effectivement payé et celui qui aurait été acquitté en l'absence d'entente anticoncurrentielle, pour les acquisitions, tant auprès de sociétés ayant participé à l'entente que d'entreprises tierces.
La CAA considère que doivent être inclus dans l'assiette du préjudice tous les achats effectués en application des contrats conclus entre octobre 1988 et décembre 1999. La difficulté réside dans ce que la SNCF n'a pas pu présenter les documents contractuels ni les factures et commandes d'origine. Elle a produit quatre fichiers de données numériques répertoriant les commandes. Selon la CAA, ces données doivent être regardées comme suffisantes pour évaluer les taux de surprix, mais aussi pour déterminer l'assiette des achats à laquelle appliquer ces taux.

Pour déterminer les « taux de surprix », il y a lieu de retenir le modèle économétrique "pendant-après " permettant de comparer les prix réels observés pendant la période du cartel avec ceux pratiqués après son démantèlement, tout en tenant compte de plusieurs facteurs exogènes, tels que les fournisseurs homologués et les coûts de fabrication ayant pu influer sur les variations de prix, qui doivent être neutralisés.

S’agissant de la « progressivité du préjudice », la CAA de Paris rappelle si que la procédure d'infraction et de responsabilité des auteurs a été limitée à la période comprise entre octobre 1988 et décembre 1999, la Commission a relevé que le cartel fonctionnait, déjà en 1988, depuis de nombreuses années. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'appliquer un taux progressif aux surprix moyens pour tenir compte de la montée en puissance du cartel au cours des premières années de la période de responsabilité retenue.

Au final, le montant du préjudice indemnisable résultant du taux de surprix et de l'érosion monétaire calculé selon la méthode d'actualisation s’élève à la somme totale de 4 041 936 euros.
 
 

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JMJ