
Les principes généraux de la commande publique s’appliquent-ils aux DSP ?
La jurisprudence ANPE impose aux marchés publics de respecter la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement entre les candidats, la transparence des procédures. Mais les délégations de service public ne sont pas des marchés publics. Les administrations jouissent pour elles d’une certaine liberté dans le choix des offres. Doivent-elles pour autant échapper à ces principes généraux ? Le Conseil d’Etat tranchera prochainement la question.

Il est utile de connaître les critères selon lesquels une offre est choisie. Y compris en cas de consultation pour l’attribution d’une DSP. Cette information est « stratégique » pour les entreprises. Ne pas l’avoir revient pour elles à « participer à un jeu sans en connaître toutes les règles ». Cette idée, développée le 2 décembre par le rapporteur public du Conseil d’Etat, Bertrand Dacosta, n’est pas nouvelle. Le magistrat poursuit en cela ses conclusions prononcées il y a onze mois préalablement à la décision ANPE de la haute juridiction (1). L’arrêt du 30 janvier 2009 rappelle que les marchés publics sont soumis aux grands principes de la commande publique et que l’administration doit fournir aux candidats une information « appropriée » sur les critères d'attribution et sur les conditions de leur mise en œuvre dès l’engagement de la procédure d’attribution. Mais cette décision ANPE ne concerne que les marchés publics.
Dès janvier, Bertrand Dacosta avait ouvert la voie à une application plus large de ces principes généraux, notamment aux DSP. Le litige ne s’y prêtait pas. En cette fin d’année, un autre contentieux impliquant l’établissement public en charge du château de Versailles en offre la possibilité. Pour la mise en place et la gestion d’un dispositif numérique d’aide à la visite, celui a permis à huit candidats de présenter une offre mais n’a pas négocié avec tous, comme l’y autorise la jurisprudence Musée Rodin du 23 mai 2008 (2). L’un des candidats écartés a formé un recours. En première instance, le juge des référés a annulé la procédure. Une position en passe d’être confirmée par les juges du Palais-Royal. Suivant sa logique initiée en janvier, le rapporteur public a en effet proposé au Conseil d’Etat de rejeter les deux recours en cassation de l’établissement public et de faire évoluer sa jurisprudence. Concrètement cela obligerait les administrations souhaitant attribuer une DSP à communiquer, auprès des candidats admis, sur les critères de choix des offres.
Contraire à la loi Sapin ?
A la différence des marchés publics où est choisie l’offre économiquement la plus avantageuse, lors de la passation d’une délégation de service public, l’administration négocie librement avec les candidats admis. Transposer à l’identique la jurisprudence ANPE aux DSP ne serait-elle pas contraire à la loi Sapin et à son article 38 instituant cette marge de manœuvre laissée au délégant ? Le rapporteur public reconnaît qu’on peut le soutenir et que cette disposition transposée dans l’article L1411-1 du CGCT pourrait « faire écran » à une application d’une telle jurisprudence pour les collectivités. Mais il propose une autre lecture de la loi. Ces consultations sont soumises, selon le CGCT, « à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes ». Pour Bertrand Dacosta, ces dispositions pourraient être interprétées comme un effort d’information devant être fait à destination des entreprises « pour présenter utilement leurs offres ».
A l’image de ce qui existe dans le code l’urbanisme pour les concessions d’aménagement (art. R300-11-3 : pondération des critères) ou dans l’ordonnance du 15 juillet 2009 sur les concessions de travaux soumises aux principes généraux de la commande publique, la loi Sapin devrait, selon lui, être elle aussi interprétée au regard de ces principes, à moins de conserver une certaine « schizophrénie » actuelle. La liberté du délégant a en effet ses limites. Depuis la jurisprudence département de la Vendée de 2008 (3), le choix du délégataire par le pouvoir adjudicateur est soumis au contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation par le juge de l'excès de pouvoir. La législation (traité de Rome et directives) et la jurisprudence (Telaustria du 7 décembre 2000) communautaires imposent la transparence et la non discrimination des candidats, a-t-il aussi rappelé. En France, la jurisprudence Etang de Berre du 20 octobre 2006 a fait entrer les DSP dans le champ du droit communautaire. Autant de raisons qui poussent à élargir la jurisprudence ANPE aux DSP. Une telle évolution jurisprudentielle ne fragiliserait pas pour autant les DSP déjà conclues selon le rapporteur public, le juge pouvant moduler les sanctions, notamment en cas de recours Tropic.
(1) Tous les marchés soumis aux grands principes de la commande publique
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