Les évidences complexes de l’achat public : on the ROD again !

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"Je crois que la banalité est très anormale"
Arthur Conan Doyle



« Tellement logique ». « Une évidence ! »... Lorsque la rédaction d’achatpublic.info signale un rapport d’observation d’une chambre régionale des comptes (CRC), il arrive que des commentaires commentent l’évidence, pour ne pas dire "la banalité", des recommandations des juges des comptes.
Certes, mais les rapports d’observations définitives (ROD) comptent aussi parmi les informations les plus lues et partagées...
Y a –t-il contradiction, ou quelque mystère ?

Des conseils "de bon père de famille" ?

Les CRC contrôlent tous azimuts, à tous les stades de la mise en œuvre des règles de la commande publique, ou en rappelle, a minima, le nécessaire respect. Qu’on en juge, à travers cette sélection incomplète et imparfaite d’articles récemment publiés :
Et cette liste est loin d’être exhaustive ! 
Alors, le juge financier est-il un sur-actif ou déborde-t-il progressivement, et sciemment, du cadre du contrôle de (bonne) gestion ?

De l’achat public à la bonne gestion... et réciproquement

Devant l’émergence du phénomène, nous sommes allés à la rencontre de magistrats financiers. Avec une interrogation sous-jacente : si le juge financier ne contrôle pas la mise en œuvre de la commande publique, mais la bonne utilisation des deniers publics, et donc sa performance, les CRC ne s’orientent-elles pas vers un contrôle d’opportunité ? D’une part, en se montrant parfois très... "indicatif" ; d’autre part, en passant du constat de mauvaise gestion à la « préconisation » ...

Si l’intérêt des chambres régionales des comptes à l’égard de la performance achat ne cesse de croître, c’est que la performance, l’efficacité et l’efficience de l’achat public sont devenues une exigence forte. Et donc, nos insinuations sont balayées : « Veiller à respecter les grands principes de la commande, au-delà d’être une obligation légale et réglementaire, c’est aussi un élément qui tend à la performance ». Dominique Roguez, président de la CRC Grand-Est, poursuivait ainsi : « Parfois, une collectivité met en avant qu’au nom de l’efficacité et de l’efficience de l’achat, elle n’a pas appliqué les grands principes de la commande publique : un argument fallacieux ! » (relire "[Interview] Pas d’obligation de faire un achat efficace et efficient").

Autre argument : non, le juge financier ne contrôle pas le respect de la réglementation ; d'ailleurs, il ne s’en contente pas et vas plus loin. « La bonne application de la règle est une condition nécessaire. Pour autant, elle n’est pas suffisante » explique Bernard Lejeune, président de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes (lire "[Interview] Performance achat : respecter le code de la commande publique n'est pas suffisant"). Quel est alors le rôle de la réglementation de la commande publique aux yeux des chambres régionales des comptes ? « Le cadre juridique des marchés publics est le moins mauvais de tous les systèmes pour assurer la performance ».
 

Se rassurer... ou réviser

L’appétence constatée pour les rapports d’observations définitifs (ROD) des chambres régionales des comptes peut s’expliquer aussi, si l’on s’avoue un brin misanthrope, par cet étrange plaisir à constater les erreurs et malheurs des autres. Un peu à l’instar des affaires pénales, qui remportent toujours un large succès d’audience. Mais de toute façon, achatpublic.info ne mange pas de ce pain-là (relire notre "profession de foi en matière pénale" : Corruption : informer sans caricaturer). Nous nous fions d'abord aux données statistiques, notamment celles du ministère de l'Intérieur (lire "Atteintes à la probité : la cartographie statistique sans concession du ministère de l’Intérieur").

Autre explication : la complexité. Fixer une règle de droit pour prétendre embrasser toute la variété des situations, c’est à coup sûr, soit complexifier la règle qui devient "bavarde à l’excès" ; soit laisser une large souplesse qui laisse place à une large palette d’interprétations sur le terrain. Et laisse donc laisse place au doute.
Petit exemple cette semaine, à propos de la crise des coûts de l’énergie. D’un côté, pour les achats de gaz, on ne parle même plus de réactivité : il faut être proactif ! Et pour les collectivités, la moindre erreur peut se payer cash ! (lire "Achat de gaz au clic : la région Sud assure ses arrières"). Mais en même temps, pour l’achat d’électricité, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) invite les collectivités à ne requérir que les dispositions de flexibilité leur étant absolument indispensables (lire "Prix de l’électricité : la CRE recommande aux collectivités d’éviter les "dispositifs de flexibilité"").

Alors, vite, osons revisiter nos "basiques" : où est la limite entre mécénat et marché public (lire "Une convention de mécénat ne peut cacher un marché public") ? Comment prendre en compte en toute sécurité les seuils (relire "On ne badine pas avec la publicité") ? Que signifie "accessibilité des données essentielles" (Publier et rendre accessibles les données essentielles… une mesure pas suffisante ou encore La publication des données essentielles, c’est automatique !) ? Est-ce que l'on peut déclarer l'infructosité d'une procédure si le niveau de concurrence paraît insuffisant ("Pas de déclaration d’infructuosité en cas d’offre conforme") ?


C’est certainement ce sens qu’il faut appréhender l’intérêt des acheteurs publics pour les ROD. Pour l'acheteur diligent, il est toujours bon de se faire rappeler les fondamentaux et leur mise en œuvre sur le terrain...