Prise illégale d’intérêt : les associations d’élus "demandent audience" à Elisabeth Borne

  • 23/06/2022
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« Madame la Première ministre,
(…) Nous souhaitons aujourd’hui vous alerter sur une situation qui préoccupe fortement l’ensemble des élus locaux dans l’exercice de leur mandat et qui peut générer à terme une "crise des vocations" ».

Les associations des élus du bloc local (France urbaine, Régions de France, Assemblée des départements de France, Intercommunalités de France et Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités) écrivent à Elisabeth Borne pour l’alerter sur la définition de la prise illégale d’intérêt, prévue à l’article 432-12 du code pénal, et telle que modifiée en dernier lieu par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire. 
 

« Et notre bonne foi, alors ? »

Pour mémoire, avant cette disposition la notion d’intérêt, dans cette disposition, était qualifiée de "quelconque". Avec la loi du 22 décembre 2021, la prise illégale d’intérêts est caractérisée par « le fait, par une personne publique dépositaire de l’autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction” (relire "Prise illégale d’intérêt : le code pénal modifié").

Pour les signataires de la missive, ce n’est toujours pas suffisant : « le délit de prise illégale d’intérêts continuera à être constaté par le juge dans un large spectre de situations, ce qui n’est pas de nature à sécuriser les élus locaux qui agissent, à de rares exceptions près, en toute bonne foi dans l’exercice de leurs fonctions.»
 

« Situations ubuesques »

Plus récemment, rappellent les associations à la Première ministre, la loi "3DS" du 21 février 2022 a tenté de limiter les situations de déport des élus locaux lorsqu’ils siègent au sein de leur assemblée. Mais elles considèrent les exceptions au principe de la protection légale posé sont si nombreuses, qu’en pratique, les cas dans lesquels les élus n’auront plus à se déporter ne seront pas significativement réduits par rapport au droit antérieur, et que par ailleurs le cadre législatif actuel n’accorde pas le régime de protection légale à de nombreux organismes partenaires des collectivités constitués sous forme associative (relire "Loi 3DS : désormais, le déport des élus membres d’une société publique locale est obligatoire").

Pour les associations d’élus du bloc local, cela ne va toujours pas : « les élus se voient confier des délégations dans le cadre de leur mandat, notamment parce qu’ils disposent de compétences et d’expertise, qui leur confèrent une légitimité dans les domaines délégués. De la même façon, ils sont désignés dans des organismes extérieurs dont l’activité est dans la continuité de ces délégations mais ils ne peuvent s’exprimer sur les dossiers importants relevant de ces organismes au sein de la collectivité ou du groupement de collectivités ».
 

Alerte !

Les signataires ne souhaitent pas attendre que les premières affaires tombent pour faire évoluer ce qu’ils considèrent comme essentiel pour répondre aux « inquiétudes » et à la « perte de sens » ressenties par les élus et les agents, « qui, par crainte d’une sanction pénale et/ou administrative, se trouvent contraints de se déporter dans de trop nombreuses situations, mettant à mal le bon fonctionnement des assemblées délibérantes ».

Et donc : « Nous sollicitons donc auprès de vous une audience afin d’examiner ensemble les modalités d’évolution du droit en vigueur pour que nos élus puissent exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions. »
 


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