Loi ASAP : les 10 points-clés "commande publique"

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La loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) est finalisée, après son passage devant le Conseil constitutionnel. Un temps qualifiée de loi "fourre-tout", c'est bien une "loi balai", qui supprime des commissions administratives, modifie le code du patrimoine, le code la mutualité, le code de l'urbanisme, revoie le régime des enquêtes publiques, fixe un nouveau régime pour l'Office national des forêts, etc. Mais elle comporte surtout 10 mesures d’assouplissement du code de la commande publique. Premier décryptage.


Le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions "commande publique" de la loi pour l'accélération et la simplification de l'action publique le 3 décembre (relire "Loi ASAP : le feu vert du Conseil constitutionnel"). Aucun des moyens de recours avancés par les députés à l’origine de la saisine n’a prospéré (relire "Commande publique : la loi Asap passe sans casse !").
Premier examen rapide, comme un "kit de prise en main rapide", de ce nouveau dispositif d'assouplissement du code de la commande publique. 
 

1 - Circonstances exceptionnelles : un nouveau livre dans le code

La loi Asap  (art.132) introduit un Livre VII au code dédié aux circonstances exceptionnelles. Selon le nouvel article L. 2711-1, lorsque l’existence de circonstances exceptionnelles ou la nécessité de mettre en œuvre des mesures temporaires tendant à faire face à des circonstances exceptionnelles qui affectent les modalités de passation ou les conditions d’exécution d’un marché public, un décret peut prévoir l’application de l’ensemble ou de certaines des mesures aux marchés publics en cours d’exécution, en cours de passation ou dont la procédure de passation n’est pas encore engagée.

Il s’agit, d’une part, de permettre à l’acheteur, lorsque les modalités de la mise en concurrence prévues dans les documents de la consultation des entreprises ne peuvent plus être respectées, d’apporter en cours de procédure les adaptations nécessaires à la poursuite de la procédure, dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats (CCP, art. L. 2711 -3). D’autre part, l’acheteur pourra prolonger les délais de réception des candidatures et des offres (CCP, art. L. 2711-4).
Les marchés publics dont le terme intervient pendant la période de circonstances exceptionnelles pourront être prolongés par avenant au delà de la durée prévue par le contrat lorsque l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre (CCP, art. L. 2711-5).

En matière de délai d’exécution, le nouvel article L. 2711-7 permet de prolonger le délai d’exécution d’une durée équivalente à la période de non respect du délai d’exécution résultant directement des circonstances exceptionnelles, à la demande du titulaire présentée avant l’expiration du délai contractuel et avant l’expiration de la période de circonstances exceptionnelles.

Dans les hypothèses ou le titulaire est dans l’impossibilité d’exécuter le contrat, le nouvel article L. 2711-8 interdit toute sanction ou pénalité contractuelle engagée pour ce motif. En revanche, il autorise l’acheteur à passer un marché de substitution avec un tiers pour satisfaire ceux de ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard. Le titulaire du marché initial ne pourra alors engager, pour ce motif, la responsabilité contractuelle de l’acheteur. L’exécution du marché de substitution ne peut être effectuée aux frais et risques du titulaire initial.

Un dipositif analogue est prévu s'agissant des concessions (CCP, nouveaux art.L. 3411-1 et s.).
(NDLR ... ce qui fait "2" nouveaux livres dans le code, donc).

Pour le Conseil constitutionnel (déc. n° 2020-807 DC, cons. 51), ces termes "circonstances exceptionnelles" « ne sont ni inintelligibles ni entachés d'incompétence négative. Ces dispositions, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution».
 

2 - Intérêt général justifiant le gré à gré

C’est l’une des dispositions qui a fait le plus réagir les acheteurs publics lors de l'examen du projet de loi : ajouter l’intérêt général comme cas de recours possible à un marché passé ans publicité ni mise en concurrence. Selon le nouvel article L. 2122-1 du Code de la commande publique (Loi Asap, art. 131) : "L 'acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les cas fixés par décret en Conseil d'Etat lorsque en raison notamment de l'existence d'une première procédure infructueuse, d'une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le respect d'une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l'acheteur ou à un motif d’intérêt général".
Devant les nombreuses interrogations et les inquiétudes exprimées, la DAJ a expliqué que rien ne sera opérationnel sans décret en Conseil d'Etat... Ce serait donc une mesure d'équilibrage, "éventuel", entre parties législative et réglementaire du code, à caractère optionnel et avec le Conseil d'Etat en garde-fou, pour introduire une nouvelle dispense de publicité et de formalités, liée non à un seuil, mais à l'intérêt général...
Le Conseil constitutionnel (cons. 44) rappelle que « ces dispositions n'exonèrent pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d'égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics rappelées à l'article L. 3 du code de la commande publique».
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3 - Entreprises en difficulté

La loi Asap (art. 131) sécurise l’accès des entreprises en voie de redressement judiciaire à la commande publique. Selon le nouvel article L. 2195-4 du code de la commande publique, les entreprises qui bénéficient d’un plan de redressement sont autorisées à se porter candidates à un marché public.
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4 - Marchés de travaux : seuil à 100 000 euros

Le relèvement de seuil pour les marchés de travaux est une mesure « limitée dans le temps » : jusqu’au 31 décembre 2022 inclus (loi Asap, art. 131). Ce faisant, la loi ne fait qu’élargir la mesure temporaire de seuils à 100 000 euros prévue par un décret du 22 juillet pour les marchés de denrées alimentaires et à 70 000 € pour les marchés de travaux. Une condition : le montant cumulé des lots d’une valeur de 100 € ne doit pas excèder 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots. 
Avec un petit rappel : « Les acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin.»
Le Conseil constitutionnel (cons. 56 à 58) a considéré que l'article 131 n'entraîne pas une rupture d'égalité. Ce nouveau seuil de dispense a pour but de faciliter la passation des seuls marchés publics de travaux, et pour une période limitée(jusqu'au31 décembre 2022) , pour une durée àque le législateur a estimée nécessaire à la  reprise d'activité. En outre, « cette dispense n'exonère pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d'égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics rappelées à l'article L. 3 du code de la commande publique.»
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5 - Accès des PME à tous les marchés globaux

Le code de la commande publique prévoit l’obligation pour un acheteur qui passe un marché de partenariat de prévoir une part minimale de l’exécution du contrat que le titulaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans (CCP, art. L. 2213-14), et de tenir compte de cette part dans les critères d’attribution (CCP, art. L. 2222-4).
La loi Asap, en son article 131, étend ce mécanisme à tous les marchés globaux : marchés de conception-réalisation, les marchés globaux de performance ou les marchés globaux sectoriels (CCP, nouvel art. L. 2152-8).
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6 - Des marchés globaux pour le Grand Paris Express

A noter : le périmètre des marchés globaux est élargi pour la construction et la valorisation immobilière de projets connexes au Grand Paris Express (loi Asap, art. 144 - CCP, art. L. 2171-6).
 

7 - Marché de prestations juridiques : la "dé-surtransposition" actée

Le législateur (loi Asap, art 140) met fin à la polémique sur ce que beaucoup d’avocats considéraient  pour une "sur-transposition" des Directives européennes. Les articles L. 2512-5 (8e) et L. 3212-4 (7e) du Code de la commande publique sont donc complétés afin d’exclure de son champ d’application les marchés de services ayant pour objet la représentation légale d’un client par un avocat et les prestations de conseil juridique s’y attachant.
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8 - Un régime unique pour les marchés réservés

La loi met fin à la distinction prévue organisée par l’article L. 2113-14 dans son ancienne mouture, lequel interdisait expressément qu’une même procédure soit réservée à la fois aux EA (entreprises adaptées) et ESAT (établissements et services d’aide par le travail) d’une part et aux SIAE (structures d’insertion par l’activité économique) d’autre part. Le législateur a considéré que ce dispositif actuel était « de nature à freiner les synergies et les collaborations sur les territoires entre les différents acteurs de l’insertion et du handicap ».
Le nouvel article L. 2113-14, prévu à l'article 141 de la loi ASAP, met fin au caractère exclusif des deux types de réservation : « Un acheteur peut réserver un même marché ou un même lot d’un marché à la fois aux opérateurs économiques qui répondent aux conditions de l’article L. 2113-12 et à ceux qui répondent aux conditions de l’article L. 2113-13».
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9 - Modification des contrats antérieurs à 2016

Les modifications des marchés publics et des contrats de partenariats antérieurs au 1er avril 2016 demeuraient régies par les textes en vigueur avant le 1er avril 2016. Ainsi, à l’instar du régime applicable aux contrats de concession, la loi Asap étend aux marchés publics (marchés, marchés de défense ou de sécurité et contrats de partenariat) conclus avant le 1er avril 2016 le dispositif de modification des contrats en cours d’exécution prévu actuellement par le code de la commande publique (loi Asap, art. 133).
 

10 - Infrastructures de transport de l’Etat 

Le nouvel article L. 2171-4 du Code de la commande publique (loi Asap, art. 143) permet le recours aux marchés de conception construction pour les infrastructures de transport de l’État.